« Si j'avais au moins... » {Pv

Don't

Jensen
Elena

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Tout est différent la nuit. La ville n'apparait plus de la même manière sous cet épais manteau de velours. La vie semble autrement, elle aussi. Pas éteinte, non. En suspend peut être. C'est... Des visages qu'on ne croisent plus au jour venu. Des mots et des gestes que l'on ose enfin délivrer. C'est... Et moi, petite âme égarée, j'aime observer toute cette métamorphose de mon perchoire. Je suis spectatrice. Spectatrice de l'existence. De la mienne parait-il. Mais ça n'a jamais eu grande importance cela. Ca n'a jamais réellement compté. Il n'y a que l'air frais sous ma robe et dans mes cheveux, ce soir. Seulement le reflet doré de la lune sur ma peau laiteuse. Les paupières closent, je savoure le sel qui chatouille mes papilles. Peu de vent ne remue les voiliers certes, mais suffisament pour déplacer quelques poussières salées. Un soupire de bien être m'échappe. Je ne sais plus depuis combien d'années. J'ai perdu le fil. La notion du temps. Mais ce plaisir futile est rare. Précieux, pour moi. Mes doigts se crispent sur la seule photo restante de mon ancienne vie. Papa... Tu étais beau. Tu étais si séduisant ainsi. Doux jeune homme d'une vingtaine d'années. Tu n'avais pas maman. Tu ne m'avais pas encore non plus. Mais tu avais la vie devant toi. La vie devant toi...

Je chasse d'un revers de main une mèche rebelle vers l'arrière. Il y a maintenant quelques heures que je suis ici. Je ne pourrais pas donner de chiffres précis. Je ne compte plus. Poser des nombres sur tout et n'importe ne sert à rien. Et pourtant, l'on en pose presque sur tout. Une date d'anniversaire. Une fête. Une rencontre... Pour quoi? Pourquoi? Peut être est-se rassurant dans un sens. Placer du concret sur ce qui nous entoure. Sur ce qui a de l'importance. Mais je ne suis pas de ceux-là. Je ne le suis plus... A moins qu'il n'y ai plus rien qui m'importe... A moins qu'il n'y ai plus rien qui compte... Cette idée m'extirpe une grimace. Je baisse la tête. Mes yeux sont brûlants. Une larme s'échappe. Fichue vent! Fichue sel! Fichue douleur?

Je daigne enfin prêter attention aux alentours. Si je contourne le problème? Oui! Mais peu importe. La solitude semble ma seule compagnie. Aucun êtres à déambuler sur les ponts. A vrai dire, je ne m'en plains pas. Je n'ai jamais aimé la foule. Je n'ai jamais aimé la présence de l'autre. Enfin, je crois? Disons que cela m'arrange ce soir. Puisque je ne suis pas certaine que l'endroit où je me trouve à l'instant soit très apprécié par l'unique propriétaire. Remarquez, je suis flic après tout! Avec le taux de criminels que j'arrête, je peux me permettre ce droit là? Non? Surtout que ce n'est pas bien grave. Je suis simplement installée derrière le volant d'un voilier qui, en l'occurence, ne m'appartient pas. Cela dit, le moteur n'est pas en route. Je suis seulement assise tranquillement. Je ne fais rien de mal? Bon d'accord... Moi même je ne suis pas très convaincue. Tant pis. Je suis bien ici...

Il ne me faut qu'une fraction de seconde. Un court instant d'inattention et... Le portrait que je tiens si précieusement entre mes doigts glacés, s'envole. Un hoquet de surprise se fait entendre, tandis que je me redresse subitement. Je n'ai pas le temps de le récupérer. Il a déjà touché le sol. Enfin... L'eau. Je ne prends pas le temps de réfléchir. Ni même de songer aux conséquences. C'est le seul souvenir prouvant son existence. La seule image qu'il me reste. La seule chose sur lequel je me rattache depuis... Descendant en trombe les quelques marches jusqu'au pont, je laisse ma petite masse briser la surface immobile de la mer. Seulement... Seulement, je ne sais pas. Nager...

life

Cauchemar quand tu nous tiens tu ne nous lâches plus. Des années que je fais pratiquement les mêmes, il serait peut-être temps de consulter un psychologue. Toujours le même, tous ce passe comme dans un rêve normal, jusqu'au moment où cette fichus porte apparue et quoique je fasse je finis toujours par l'ouvrir. Pour constater quoi? Pour nourrir mes remords sans doutes. Cette porte que j'ouvre me ramène dans cette pièce avec un enfant couvert de sang, quatre morts autour de lui. Cet enfant bien sûr c'est moi, pleurant toutes les larmes de mon corps. Cette scène qui hante mes nuits. Le bruit de la tronçonneuse que le tueur avait utilisé. Et toujours au même moment, lorsque la police arrive et que le chef me prend dans ses bras pour me dire que tout va s'arranger, je me réveille en sursaut. Pleurant comme une madeleine, cette nuit là, je venais d'arriver dans cette ville que je ne connaissais pas. Je laissais un mot sur l'oreiller :

'' Bonjour chérie. Si je ne suis pas revenus c'est que je suis toujours sur le quai. Gros bisous, je t'aime.''

Je m'habillais donc pour aller faire un tour, sur le quai. L'odeur de l'océan m'avait toujours fait le plus grand bien depuis tout jeune. Cette ville était belle et calme, elle va si bien avec Shay. Cette fille elle me ressemblait, la vie ne lui avait pas fait de cadeau, à elle aussi. Je l'aimais, elle aussi. La mer était très calme ce soir. Jusqu'au moment où j'entendis un « PLOUF » non loin de là. Je décidais donc d'allais voir ce qu'il s'y passé. Une fois arrivée sur le lieu je vis un rond de bulle. Puis deux mains qui appelaient à l'aide. Je pris mon courage à deux mains puis je sautais à l'eau pour essayer de secourir la personne présente, sans doute bloqué sous l'eau.

Je vis que c'était une jeune demoiselle, elle s'enfonçait de plus en plus jusqu'au moment où je réussis à l'attraper pour la remonter. Elle avait une photo dans les mains, elle avait l'air d'y tenir précieusement de la façon dont elle l'avait serré au plus proche de son coeur. Une fois sur la terre ferme, elle ne réagissait presque plus. J'appliquais les gestes de secours que j'avais appris lors d'un stage. J'utilisais tous les moyens possibles et imaginables pour la secourir.

Don't

C'est si doux. Le contact de l'eau qui englobe le corps. La pression sur ma peau. Je me liquéfie. Je le sens. Je deviens liquide à mon tour. Je... J'essaye d'apercevoir quelque chose à travers cet océan d'ombres. Mais si je glisse entre les doigts comme la pluie, puis-je réellement voir? Si je deviens goutte , suis-je encore en vie? En vie? L'urgence semble enfin me sauter à la gorge. Je relève la tête. Je n'en vois plus le bout. Comment distinguer la mer du ciel obscur? Comment savoir? Peut être que j'ai déjà atteints la surface. A moins que je n'ai touché le fond? Je ne sais plus très bien. Je m'emmêle, je crois? Je... Je ne parviens plus à penser. Je ne parviens plus à... à respirer? Oui... Je ne respire plus... Je force pourtant. Je force sur mes poumons. Mais c'est l'inondation à l'intérieur. C'est le tsunami sous l'enveloppe. Et les images qui se brouillent derrière les yeux humides. Papa qui fend du bois. Maman qui prépare son sirop d'érable. Peut être est-ce l'inverse? Je ne sais pas. Je ne sais plus. Je suis perdue...

Il fait froid. L'air enlace mon corps? Je ne sais pas. Je n'ouvre pas les paupières. C'est lourd les vagues sur elles. Suis-je... Morte? Papa? Papa vient me chercher j'ai peur de noir qui m'entoure. J'ai peur du voyage qui se dresse. Papa? C'est des fourmis dans mes oreilles. Je n'entends plus les sons distinctement. Mais il y a quelqu'un. Je suis certaine d'avoir reconnu la chaleur d'un souffle sur mon visage. Sur ma bouche. Papa? Papa, c'est toi? Ou est-ce toi? L'être. La chose. La fatalité. L'inévitable, que je redoute depuis la nuit des temps. La mort? Mais c'est bien la vie que je sens s'infiltrer en moi pourtant. C'est bien... Le jour dans ma gorge, descendant comme une éclaire jusqu'au bas fond des organes. Alors, je vis? Non? Ou est-ce la chute éternelle? Le puits sans socle de la fin? Cependant, j'en suis certaine. Ce n'est pas le bas qui m'attire à l'instant. Mais bien le haut qui m'extirpe...

L'oxygène entre avec force. Et l'eau ingurgitée est recrachée. Tel un noeud qui daignerait céder. La douleur me fait grimacer. Ma poitrine se soulève enfin. J'inspire avec gourmandise. Mes paupières se rouvrent enfin. L'autour me semble bien flou en premier temps. Puis plus limpide ensuite. Et cet homme penché au dessus de mon visage. Papa?... Ses traits deviennent plus nets. Non. Il... m'est inconnu. Mais ça n'a pas d'importance. Il est là. Alors je me redresse maladroitement. M'agrippe à son vêtement pour ne pas m'écrouler de nouveau. Ma tête s'appuie contre son épaule. J'ai eu si... Peur? Je me blottis contre son torse sans pudeur. « J'ai... Si froid... » Mes doigts se serrent encore plus fort contre la photo sauvée in extremis, tandis que les mots semblent m'avoir demandé un effort surhumain. Je pourrais bien m'endormir maintenant. Je n'ai plus rien à perdre...

life

Je l'allongeais sur le dos, comme on me l'avais appris puis je commençais par pratiquer un massage cardiaque en alternance avec le bouche à bouche toutes les trois poussés sur son abdomen. J'y mettais toute ma force, tout mon amour. Cette fille me ressemblais, pas physiquement mais mentalement, elle avait l'air traumatisé par un fait marquant de sa vie. Je comptais toujours dans ma tête, lorsque je vis l'eau sortir de sa bouche et la voir reprendre connaissance, un soulagement me vain. Au moins, je n'aurais pas la mort d'une personne de plus à me reprocher.

J'attends une réaction de sa part, la voir bouger par exemple. La réaction ne tardas pas, elle était même logique : elle avait froid. Je n'eus pas le temps d'aller chercher une couverture qu'elle s'était déjà agrippez à mon vêtement pour finir par se blottir contre moi. Je l'enlaçais dans mes bras pour la réchauffer et je remarquais que la photo était restée entre nous deux. Elle avait l'air d'y tenir, comme un souvenir qu'elle garderait d'une personne qui lui manque, s'en doute son copain parti à la guerre... Je la pris dans mes bras essayant au plus vite de trouver ma voiture pour pouvoir la mettre au sec. Cette bonne vieille Dodge Charger avait un bon chauffage et en plus j'avais un plaide qui traînait dans le coffre. J'engageais alors la conversation d'un ton rassurant et protecteur :

Qu'elle est le nom de la jeune fille qui a tenté de jouer la sirène? Je le pris la blottis à l'intérieur pour qu'elle sèche le plus vite possible.

Elle avait l'air de porter un masque, comme moi. Faisant paraître un sentiment de gaieté alors qu'à l'intérieur c'était tout le contraire. C'était la première personne que je rencontrais dans cette ville et elle avait l'air d'être une bonne personne, mais la chance a dû en vouloir autrement et ça l'a mené dans cette ville calme et paisible. Je la voyais, elle et sa photo, ça devait être une personne bien pour qu'elle s'y soit attaché autant, cela se voyait que ça n'était pas du cinéma et que ce n'était pas une simple dépressive qui s'était agrippé à une personne qui avait fait tomber sa photo. J'aimais ce sentiment de ''protection'' que je dégageais, comme avec Shay, comme si à chaque bouché d'oxygène que je lui insufflais la jeune demoiselle aurai pu me glisser entre les doigts.

Don't

J'écoute son rythme cardiaque. Ses battements sont d'une douce régularité. Je ne rouvre pas les paupières. Je me laisse bercer. Je me fonds en lui. L'image m'apparaît en tête. Mon corps qui s'immisce lentement en lui. Comme une vapeur grise. Une vapeur noir? Je veux disparaître à l'intérieur de son coeur. Devenir un tempo digne d'une berceuse. Dis-moi inconnu, me laisseras-tu comme refuge le moteur de ton corps? S'il te plait... Je te promets de ne pas respirer. De garder à l'intérieur de moi l'ombre. Mais laisse-moi m'y blottir. Je... prendrais soin des contours, si tu m'y autorise. J'y déposerais du baume, lorsque la vie te blessera. Je soignerais les cicatrices. Je te le promets, bel inconnu. Mais surtout, ne m'abandonne pas sur le bitume. Ne... M'abandonne pas dans ce monde constitué de sang et de sanglots. N'entends-tu pas comme ma gorge se serre de trop hurler. C'est le cri silencieux, tu sais. C'est...

Je m'agrippe de toutes mes pauvres forces. Mon corps vient de quitter le sol. Je... vole? Non... Non? C'est lui. C'est... Mon héros? Je cramponne la photo. Tout contre ma poitrine, je la serre. Mon bien le plus précieux. Ainsi, je glisse mon bras inoccupé autour de sa nuque. Et, sans aucune timidité, dissimule mon visage dans la creux de son cou. Mon corps grelotte comme une feuille morte, tandis qu'il se déplace à travers l'allée déserte du port. Je ne pose aucune questions. Il peut bien faire ce qu'il veut de moi. Ce soir, je n'ai pas la force. Ce soir... J'ai froid du mal qui m'habite. De l'absence trop pesante. Du souvenir éternellement figé sur ce bout de papier brillant. Papa? Papa, pourquoi tu ne m'as pas emmené avec toi dans l'inconscience? Papa... Mon Amour... M'aimes-tu encore? Ou le temps. La mort a t-elle estompé les sentiments d'antan?...

« Qu'elle est le nom de la jeune fille qui a tenté de jouer la sirène? » La chaleur du véhicule apaise mes tremblements. Pour la première fois, je plonge mes grandes prunelles dans les siennes. Bonsoir... Les mots ne sortent pas. Je baisse la tête. Intimidée? Peut être... C'est moi l'intimidante habituellement. Je me mords la lèvre. Mon nom? Mon nom... C'est personnel comme information, non? Un nom c'est... Seulement, il m'a sauvé la vie. Il m'a... Je prends une profonde inspiration. Ouvre la bouche. Une certaine hésitation en ressort. Mais les sons daignent s'extirper des profondeurs de mes limbes. « E... Elena... » Je détourne les yeux. A l'opposée des siens. Pourtant, ma main ne quitte pas son avant bras. « Et vous?... »